Il faut se méfier de l'eau qui dort ~ Dayhun

C’est par la belle journée du 24 avril 1991 que je naquis. Bon, peut-être qu’il faisait gris ce jour-là, je ne m’en souviens évidement pas! La joie de mes parents  devait rendre tout plus beau que la réalité. Par contre je sais que mon frère ainé, Eunji, n’était pas trop content que je sois là pour attirer toute l’attention de la famille. Je crois que pour des enfants, quatre ans, c’est une différence d’âge un peu trop grande. Ce ne devait pas être facile pour mon frère de jouer silencieusement alors que moi je devais faire la sieste. Mais ce n’était pas ma faute, les bébés ont besoin de beaucoup de repos! Et puis, en tant que première fille de la famille, les adultes me chouchoutaient un peu, surtout maman qui aimait bien que je porte de jolies robes. Tout ça, c’est elle qui me l’a raconté, tout comme la suite!

L’année suivante, j’eu droit à deux petits frères! Bon, je ne compris pas trop, mais il parait que je leur faisais plein de beaux sourires en gazouillant des sons inintelligibles, signes que je ne devais pas être fâchée par leur présence, contrairement à Eunji. À croire que mon grand frère n’était jamais content. C’est qu’il avait un caractère difficile, peut-être parce qu’il avait été trop longtemps le seul enfant?

Je vécus une enfance paisible, sans autre drame qu’Eunji qui me piquait mes bonbons. J’avais de bonnes notes et mes parents étaient fiers de moi. Nous ne manquions de rien pour vivre. J’adorais aller trainer dans les tunnels de lave ouverts au publique ou admirer le paysage si particulier. Jeju-do est une ancienne île volcanique Coréenne dont le volcan est éteint. Heureusement, car ça aurait été stressant de vivre si près de cette Montagne s’il en avait été autrement! Cette île, c’était mon paradis, j’adorais ma vie là-bas. Il faut dire que tout se passait si bien, j’étais douée à l’école, mes parents m’aimaient, je m’amusais bien avec mes amis, que demander de plus?

C’est pourquoi je ne vis pas venir la décision de mes parents au début de l’année 2009… Déménager en Amérique. Cette décision me fit un choc, mais les explications étaient logiques. Eunji serait appelé sous peu à faire son service militaire, ce qui signifiait qu’en cas de conflit, il serait appeler au front. Jeju-Do est peut-être à l’écart, et pouvait bien ne pas attirer l’attention en cas de conflit avec la Corée du Nord, mais elle ne serait pas défendu par notre pays non plus… Je comprenais les motivations de mes parents, ils avaient raison de vouloir nous protéger. Et puis, rien ne nous empêcherait de revenir vivre ici plus tard? Je m’accrochais un peu à cette idée afin de ne pas accabler mes parents d’un autre enfant en crise, ils avaient déjà bien assez des jumeaux à gérer.

Le changement de pays se passa plutôt bien car j’étais plutôt douée en anglais, alors la langue ne fut pas un obstacle à mon intégration. Ce ne fut pas facile, c’était un tout autre style de vie, il y avait tant de changements! Heureusement à la maison nous avions gardé nos habitudes emmenées de Corée. Ça avait quelque chose de rassurant d’avoir  un peu de notre pays avec moi. Mais je n’avais rien contre les États-Unis, c’est avec plaisir que j’ai célébré leur fête nationale du 4 juillet! Une belle soirée, jusqu’à ce que je rentre pour apprendre que Moon Moon c’était fait mordre par un chien dans un parc… Le cabot avait peut-être la rage! Ça m’inquiéta beaucoup, car malgré que je charriais bien mes petits frères, je les aimais. Qui aime bien, châtie bien, comme on dit.

Après un passage à l’hôpital, je pensais que tout allait pour le mieux et que bientôt ce ne serait qu’un mauvais souvenir, mais le troisième soir après la fameuse morsure, quelque chose de terrible arriva. Je ne compris pas ce lien si important, tout arriva trop vite. Les cris, grognements et objets qui se fracassaient m’attirèrent dans la chambre des jumeaux où j’y découvris un terrible spectacle. Je crus d’abord à une mise en scène, il y avait tant de sang et puis cette bête horrible qui me griffa avant que je ne puisse m’enfuir. Je n’avais pas tout compris à ce moment là, ce n’est que le lendemain matin, lorsque je suis revenue à la maison que je compris que Jungwan était mort. Il y avait tant de questions sans réponses. Tout indiquait que Moonbin était le coupable, mais ce n’était pas lui que j’avais vu, mais un monstre!

Les semaines qui suivirent furent difficiles. Nous étions tous dévastés par la perte du plus jeune de la famille. Je n’arrivais pas à y croire, j’avais l’impression d’être dans un terrible cauchemar! Un frère mort, un autre chassé de l’appartement… Comment tout ça avait-il pu se produire? Et puis il y avait cette bête que j’avais vu se soir là, était-elle réelle? L’incompréhension de la situation se mêlait à tant de sentiments. La colère m’étouffait. Contre mes parents qui avaient chassé Moonbin, contre ce dernier pour ce qu’il avait fait… Plus jamais notre famille ne serait unie. Tout ça ne serait jamais arrivé si nous n’avions pas quitté la Corée! Oui, je rejetais la faute sur mes parents à ce moment là, il me fallait des coupables… C’était avant que je n’ai pu vraiment réfléchir au calme… maintenant, je sais qu’ils ne voulaient que notre bien.

Environ un mois après la mort tragique de Jungwan, je commençais à me sentir mal. Je décidai d’aller prendre un peu l’air pour admirer la pleine lune. Elle était si belle et attirante. C’est là que ça se produisit pour la première fois… mon corps se recouvrit de poils, ma physionomie changea… Non, ce n’était pas la puberté, c’était bien pire! Des douleurs me parcoururent, comme si chacun de mes os était broyé! J’avais l’impression que tout mon corps était en feu, c’était comme une fièvre, mais incontrôlable.
Toutes ces modifications m’amenèrent à me demander si je changeais d’espèce… je m’étais transformé en une bête affamée à la puissance extraordinaire. Je sentais tant de nouveaux stimuli, qui étaient inaccessibles pour un humain. Un écureuil tout près, je sentais son petit cœur palpiter, sans réfléchir, je me jetais dessus pour le dévorer… Était-ce vraiment moi ou plutôt cette bête qui avait pris possession de moi? C’était confus. Je ne pouvais plus réfléchir, la créature avait faim, l’instinct de survie avant tout, elle voulait manger.

Je ne sais combien de petits animaux servirent de repas au loup cette nuit là, mais certainement plus d’un. Je me réveillais confuse, du sang sur mes vêtements déchirés… Bien vite je fis le lien entre les différents évènements… Moonbin avait été mordu par une bête et s’était lui-même transformé en bête. Il m’avait griffé et j’étais devenu aussi… un loup-garou. Ça me semblait tellement fou comme histoire que j’avais moi-même de la difficulté à y croire.  J’eus envie d’en parler à mes parents, mais vu comment ils avaient traité mon petit frère qui avait essayé de leur en parler, je savais bien que ce ne serait qu’une perte de temps… pire, ils risquaient de croire que je voulais rire de la situation ou que je cherchais l’attention.

Je gardais donc le silence sur ce que j’étais devenue… de toute façon, il était déjà prévu que je quitte le nid familial pour mes études, je gardais donc cette idée, car c’était ce qu’il y avait de mieux à faire pour moi. Peut-être que j’avais rêvé de cette nuit étrange et qu’une fois déménagée et aux études, ça passerait? Je devais poursuivre ma scolarité, je voulais être médecin à cette époque. Je voulais aider les gens, les guérir de leurs maux. Il semblait que j’avais le bon tempérament pour ce travail, alors c’était mon but.
J’avais  de bonnes notes, mais la bête refit surface bien vite. Les premiers mois, elle était incontrôlable, elle voulait tout dévorer! Heureusement après quatre mois, c’est moi qui pris les commandes quand elle apparaissait. Ce fut un soulagement d’avoir dompté le loup, ça éviterai de tuer quelqu’un sans le vouloir… et puis à un moment, c’était dégoutant de me réveiller avec des cadavres d’animaux chaque lendemain de pleine lune…
Donc, je pouvais me contrôler dans une certaine mesure, mais je compris bien que quelque chose avait changé en moi. L’envi de bouger était maintenant trop grande pour que je me tape encore de longues années d’études… Je devais réévaluer mon choix de carrière afin de satisfaire les besoins d’exercices de la bête. Ça me fendait le cœur de devoir abandonner mon premier choix, mais je savais que c’était pour le mieux, surtout quand je choisis de devenir ambulancière. J’aiderais autant les gens, mais d’une manière différente. D’ailleurs, lorsque je commençai la formation, je tombai en amour avec ce métier qui bougeait sans cesse. Il y avait de la théorie, où j’excellai, mais aussi des cas pratique qui permettaient de bouger tout en mettant ce que j’apprenais en application.

J’eus de la chance que la ville de New-York soit en recrutement lorsque je terminais mes études. Comme j’étais première de classe, je n’eus pas de difficultés à être embauchée, et puis j’avais de bonnes références de mes professeurs et de mes maîtres de stages. Évidement au début je n’avais que des petits remplacements. Ce ne fut pas facile de ne pas savoir si je serais appelé pour un remplacement de dernière minute, ou si je serais une semaine sans travailler… Plus je montais dans la liste, plus j’avais des remplacements longs, comme des arrêts de travail et un congé de maternité. C’était bien d’avoir un horaire fixe, bien que parfois ce n’était que pour quelques mois. Maintenant je suis assurée de travailler, même si l’horaire ne me plait pas tout le temps.

En parallèle, j’avais retrouvé un semblant de vie familiale après avoir recroisé Moon Moon au bistro où il travaillait en 2012, alors que je terminais mes études. Au début, ce fut un peu inconfortable, mais au fil de la conversation, nous retrouvâmes nos points communs et nos souvenirs… puis il fut question cette maladie qui avait tout bouleversé dans nos vies, la lycanthropie. Il m’offrit une collocation que j’acceptai sans hésiter. J’avais été un peu isolée ces derniers temps. Certes, j’avais gardé contact avec nos parents, mais ils ne pouvaient pas comprendre ce que je vivais. Sans le savoir, ce fut un peu le début de notre meute ce jour-là.

Peu à peu, d’autres loups se joignirent à nous, augmentant notre meute, qui se différencie des autres car exclusivement asiatique. Pas que nous soyons racistes, c’est surtout que « qui se ressemble s’assemble » comme on dit. C’est peut-être grâce à ça que Sun-hee s’est jointe à nous. Je sais que Moonbin se demande souvent pourquoi il l’a prise dans la meute, mais jamais je n’accepterais qu’il ne la mette dehors, car dès que j’ai vu cette jeune femme, je suis tombée sous son charme. Comment ne pas l’aimer, elle est si mignonne! Je trouve que c’est une bouffée de fraicheur pour notre groupe. Malheureusement, en tant que bêta, je me dois d’écouter mon alpha, qui ne verrait pas d’un bon œil pour la meute que je sorte avec elle, car Sun n’est qu’une oméga, son rang est trop inférieur au mien. De toute façon, même si j’avais l’autorisation, il faudrait pour que quelque chose se passe qu’elle comprenne que j’ai le béguin pour elle…

Malgré ce dernier point sur lequel mon frère et moi ne nous entendons pas, pour le reste tout va plutôt bien. Je le conseil et je fais respecter ses ordres par le reste de la meute. Je suis heureuse de cette nouvelle vie avec tous ses gens, car les loups sont fait pour vivre en groupe, seuls, ils sont faible.